Un ciel gris se levait sur les plaines herbeuses de
Bagatelle, en cette froide journée de décembre. Un ciel bas, annonciateur de
chaos, auquel s’associait une bise cinglante semblant susurrer aux oreilles des
promesses de désastre et de ruine… En ce jour entre tous remarquable aurait
lieu quoiqu’il arrive une bataille séculaire. Plus qu’un derby, cette
confrontation revêtait des allures de crunch, de guerre entre l’armée Tempête
et la horde Cocksienne.
Sur la plaine humide, les deux groupes de guerriers s’avancèrent.
Surs de leur expérience et de leur rigueur, les soldats Tempêtes avaient pris
leur temps et s’étaient échauffés dans la joie et la bonne humeur. Ce dont ils
ne se doutaient pas, c’est qu’en face, ce n’était déjà plus des hommes qui s’envoyaient
violemment les uns sur les autres, mais une meute de loups affamés.
Dès le son de corne, ces braves Tempêtes comprirent leur
erreur : les bêtes étaient lâchées et seuls l’odeur métallique du sang et
le goût suave de la victoire pourraient assouvir leur soif. Elles se ruèrent
sur l’ovale comme sur une pièce de viande juteuse. Sur chaque impact, les Tempêtes
reculèrent, sur chaque ruck, ils furent bousculés, sur chaque touche, pressés.
Privés de ballon, ils peinèrent à mettre leur jeu en place, tandis qu’en face,
la meute communiquait parfaitement et développait un rugby guerrier, dur, mais aéré.
A l’affût de l’adversaire, les Cocks se jetaient sur chaque joueur portant
l’ovale et conquirent bon nombre de ballons grâce à des placages dévastateurs.
Sur une touche gagnée, le ballon circula vite et arriva à Trottinette qui longea
la touche pour aller aplatir dans l’en-but. Un essai à zéro. C’est ce moment
que choisit le soleil pour nous honorer de son auguste présence, comme le signe
de notre rédemption.
Les Tempêtes tentèrent de se rebeller mais
chacune de leurs avancées fut punie avec une violence peu commune. Pourtant,
ils réussirent contre le cours du jeu à louvoyer dans une défense pourtant
sérieuse et vindicative, pour aller inscrire l’essai de l’égalisation sur une
belle envolée personnelle.
Ce fut leur plus grave erreur… Dès lors, la plus infime
parcelle d’humanité qui subsistait encore dans les corps trapus de nos COTT fut
balayée. Les babines se retroussèrent, les griffes labourèrent le sol de
Bagatelle et des grondements rauques montèrent des gorges de la meute.
Puisqu’ils semblaient en vouloir encore, nous leur montrerions que nous
n’étions plus la même équipe. Ils paieraient pour l’affront. S’ensuivit un
spectacle d’une rare violence, fait de chocs, de jappements, de grognements… Et
toujours les Cocks prenaient l’ascendant sur leurs adversaires. Aucune touche
ne leur échappa, et ils prirent même le luxe d’en voler à leurs adversaires. Un
départ dans le fermé de Puce déboucha sur une course de plusieurs dizaines de
mètres. Un maul dans nos 22 nous emmena dans la moitié de terrain adverse. Un
autre, nous fit passer de la ligne des 10 adverses jusqu’en terre promise. Tel
un bison lancé à pleine vitesse, aucun jaune ne put arrêter cette charge brutale
du 8 de devant. C’est un des jumeaux qui eut le plaisir d’aplatir.
Nous aurions pu nous arrêter là, mais l’ire vengeresse avait
déjà submergé toute velléité de raison dans nos cœurs, et nous jetâmes à
nouveau dans le combat. Encore. Et
encore. Et encore. Sur un départ petit côté, Puce transmettait à Juju qui remit
le ballon sur son intérieur à votre serviteur… Dès lors, la fureur rouge des
Celtes embruma mon regard et m’intima d’apporter la ruine sur un
adversaire : ce fut le 8 adverse.
Après l’avoir gentiment salué, je continuai vers la terre promise et
finissai en touche à une dizaine de mètres de l’en-but. Preuve que cette combinaison est bien
aiguisée.